Une année sans frontières : 





Les fins d'années sont toujours propices à une rétrospective qui prend la forme d'un bilan. Me concernant, si je me laisse tenter par ce petit jeu, j'aimerais revenir sur certains évènements qui ont pu marquer cette année 2025, principalement sur le plan de l'intérêt que je porte pour l'œuvre de Hergé. Inutile, ici, d'évoquer des sujets plus personnels qui ne regardent que moi. D'ailleurs, comme le dit Hergé en parlant de son œuvre qu'il alimente de sa personne, de la même manière en essayant d'analyser (modestement) celle-ci à travers ce blog, j'y mets beaucoup de moi, de ma personne. Donc lisez ce que j'écris pour en savoir plus à mon sujet. 

L'année a commencé fort avec la sortie de l'album "Le Lotus Bleu" dans une édition colorisée, dans le cadre de la célébration des 90 ans de ce chef d'œuvre. Il était évident pour moi de me rendre directement au musée Hergé au début du mois de Janvier dernier pour y récupérer un exemplaire (ou deux, ou trois), tant cet album marque un tournant décisif pour l'auteur et pour la suite de son œuvre. Cet évènement m'a permis de rencontrer les membres de l'équipe "Tintinogeek " avec qui nous avons pu échanger passionnément dans le cadre d'une vidéo dédiée à l'album du "Lotus Bleu" dans ses dimensions politiques et artistiques. Cette vidéo m'est chère puisqu'elle compile assez justement toute la profondeur de l'album et permet d'appuyer cet anniversaire comme il se doit. Qui sait si Hergé n'avait pas croisé la route de Tchang Tchong-jen au milieu des années 1930 ? Qui sait comment l'œuvre aurait-elle pu évoluer sans la rencontre du jeune étudiant Chinois ? C'est en essayant de répondre à ces questions que l'on comprend la force émancipatrice de l'altérité et de la rencontre. C'est là l'un des propos du livre de Dominique Maricq "Tchang Tchong-jen, artiste voyageur" qui m'a certainement le plus intéressé cette année, que j'ai lu d'une traite et que j'ai pris plaisir à chroniquer.

Début Mars a eu lieu la traditionnelle rencontre annuelle des "Amis de Hergé", une première pour ma part (oui, c'est un peu honteux d'attendre le 40ème anniversaire de cette association pour m'y rendre). Des rencontres et des échanges autour d'une bourse matinale avec des objets et des ouvrages qui ont su contenter tout le monde, et toutes les bourses. Les conférences sont des moments que j'apprécie grandement, car les approches analytiques sont nombreuses et nourrissent l'œuvre avec toujours autant de finesse. J'en profite pour saluer mes amis que sont Sarah et Jonathan avec qui j'ai fait le trajet et avec qui je partage bien des idées à l'égard de l'œuvre, notamment dans ses dimensions évolutives et progressistes. Avec eux deux, les discussions atteignent une intensité forte dans laquelle je me retrouve pleinement. Il est rare de pouvoir échanger avec autrui, tout en percevant de vraies connexions dès les premiers échanges. De la même manière, je tiens à féliciter Jérémy, rencontré sur place, qui a l'heure où j'écris ces lignes a mis au monde l'un de ses projets les plus ambitieux (j'imagine), à savoir la traduction des "Bijoux de la Castafiore" en gascon. C'est ce type de projets animés par la passion qui permet un véritable entretien de l'œuvre avec des approches multiples, mais toujours dans l'idée d'ouvrir celle-ci au plus grand nombre, plus de 40 ans après la mort de Hergé. Merci à ces passionnés d'où qu'ils soient de mener des travaux artistiques et culturels, c'est en cela aussi que l'on peut parler de Tintin avec un regard actuel, parfois renouvelé, assurant ainsi son intemporalité. 

L'année avançant, l'été est toujours ce rendez-vous à ne pas rater pour s'évader géographiquement (quand les moyens le peuvent). Pour ma part, ce fut une nouvelle fois une opportunité de retrouver cette deuxième maison qui est la mienne : Bruxelles. Oui, cette ville, bien que parfois décriée, est pour le voyageur modeste que je suis un lieu où je parviens à déconnecter et à me concentrer pleinement sur ce qu'elle offre sur le plan culturel, artistique et culinaire. En effet, c'est toujours un plaisir de fouler les différentes ruelles et avenues que Hergé, lui-même, a pu fréquenter dans sa vie. Bruxelles regorge de l'empreinte du créateur Belge, la richesse de son travail puise dans les rencontres qu'il a pu faire, mais aussi dans les lieux qu'il a pu humer, observer, analyser, décortiquer, remodeler. Tout Tintinophile se doit, un jour ou l'autre, de traverser Bruxelles pour saisir cette ville dans ce qu'elle a d'inspirant pour l'artiste qu'était Hergé. Bruxelles est aujourd'hui une capitale européenne, c'est aussi cette capitale depuis laquelle Hergé a ouvert son regard sur le monde. À noter que le buste de Hergé, sculpté par Nat Neujean, orne à nouveau la place de Theux et que la pose avec lui vaut le détour. 

La rentrée de Septembre est marquée par la disparation tragique de "l'Hergéologue" Philippe Goddin qui a tant fait pour la cause. Je ne vais pas ici revenir sur son travail monumental. Simplement, dire qu'il a consacré sa vie à l'œuvre de Hergé, que ses ouvrages sont d'une richesse inépuisable et qu'il a très certainement su faire vivre l'association "les Amis de Hergé" grâce à son engagement inébranlable. Sa biographie de Hergé "lignes de vie", au même titre que celle de Benoît Peeters, présente un intérêt considérable pour mieux cerner l'homme et sa création. 

Le mois d'Octobre est le mois de la rencontre avec les amis de "Tintinogeek". Ces derniers ont fait le déplacement pour que l'on profite d'un moment "hors du temps", avec pour menu la visite de l'exposition "En voiture Tintin" à Mulhouse ainsi que le tournage d'une capsule au sujet de mon rapport à Tintin, au sujet d'un album qui me tient à cœur, mais aussi et surtout sur les perspectives sociales et humanistes que permettent les Aventures de Tintin dans le monde d'aujourd'hui. C'est là un point que je défends, à savoir revendiquer l'idée que l'œuvre de Hergé peut tout à fait avoir du sens aujourd'hui pour mettre en valeur des causes écologiques, sociales et humanistes, exemplairement. Au delà de ces deux évènements, cela fut un moment que l'on peut qualifier de profondément humain car nos échanges se font respectueusement, parfois passionnément, mais aussi avec légèreté et distance. Si nous courrons souvent après le temps, il y a des moments suspendus hors du temps et ceux-là l'étaient. 

Quelques semaines plus tard, la journée du 22 novembre à Spa a réuni à nouveau un certain nombre de Tintinophiles. Une journée menée par Jonathan, Baara, Cédric et Roanne qui ont fourni un travail remarquable d'organisation dans l'espoir de contenter tout le monde. La présence de Jean-Pierre Talbot ainsi que de Philippe Fontaine, duo équilibré, a égayé cette journée en alternant finesse d'analyse et légèreté du propos. Quelques ouvrages importants étaient disponibles à la vente, ouvrages qui feront date tant ils évoquent, chacun dans leur registre, des thématiques fortes dans la Tintinologie. Aussi, ces retrouvailles entre Tintinophiles se sont faites peu de temps après l'affaire, la fameuse, celle qui n'a existé que quelques jours avant de s'éclipser un peu à la manière d'une étoile filante, sans que l'on sache si elle reverra le jour sous de meilleurs auspices. Toujours est-il que la journée s'est clôturée par un repas bien mérité, notamment avec la présence de Jean Rime qui avait fait le trajet jusqu'en Belgique grâce à la compagnie d'autobus "Swissair". Un nouvel élu à la présidence des "Amis de Hergé", fort sympathique et motivé à l'idée de poursuivre le travail effectué par Philippe Goddin et consorts. Enfin, je n'oublie pas celles et ceux qui ont pu capter cette journée à travers images, photos et vidéos afin de combiner à la mémoire organique, une mémoire visuelle dans l'optique de constituer un album aux mille portraits et aux lignes claires…

Ainsi, cette année m'a permis de voyager ici et là, pas forcément très loin sur un plan géographique, mais de façon intense à travers la rencontre de personnes diverses et variées, toutes engagées d'une façon ou d'une autre dans la préservation de l'œuvre. À la manière d'un Hergé qui ne voyageait pas tellement (sauf à la fin de sa vie) mais qui se nourrissait des autres et qui s'imprégnait du monde, cette année a été celle de l'ouverture à un petit monde de passionnés, la richesse étant dans la diversité des points de vue et des lectures plurielles que l'on porte sur tel ou tel album, sur tel ou tel personnage et plus globalement sur l'œuvre en général. Pourvu que vivent des valeurs de tolérance, d'ouverture et de curiosité au sein de cette petite bande de passionnés, chacun pouvant apporter sa pierre à un édifice monumental dont les fondations restent solides.

Et enfin pour l'avenir, puisqu'il faut toujours se projeter, souhaitons que Tintin demeure ce personnage épris de curiosité pour les différents peuples du monde, qu'il préserve sa sensibilité pour autrui et qu'il continue effectivement de défendre un monde sans frontières, dans une époque qui appelle plutôt à se replier sur soi-même. Tintin est ce personnage qui a fait le bonheur d'enfants et d'adultes du monde entier, son rayonnement se poursuivra s'il continue à traverser les frontières et les époques, à ériger des ponts plutôt qu'à bâtir des murs. 

Saïd Oner, 



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