Le bloc bourgeois et conservateur se conserve bien :


La récente validation du budget de l’état, présenté par le 1
er Ministre François Bayrou, par les organisations politiques du Rassemblement National et du Parti Socialiste a suscité beaucoup de commentaires. Elle a surtout le mérite d’établir de la clarté quant à ce que représentent finalement ces deux organisations politiques. Il serait stupide de faire de ces deux partis des entités qui seraient communes à bien des égards, l’histoire de l’une et de l’autre diffère et chacune porte des idées et projets qui ne se confondent pas. En tout cas, sur le papier. Car, en effet, ce que vient nous dire cette position commune du RN et du PS, quant à la non censure de ce budget de l’état, est qu’il peut exister une forme de connivence, une forme d’alliance conservatrice lorsqu’il s’agit de défendre des coupes budgétaires dans des secteurs vitaux tels que l’éducation, la santé ou l’écologie.

Précisons. Dans cette séquence politique, le RN et le PS ont effectivement permis au gouvernement actuel de poursuivre sa volonté de mener des politiques économiques d’austérité. Si les deux partis n’ont pas la même histoire, l’histoire nous rappelle que la trajectoire empruntée par les deux formations est parfois faite de collusions. N’est-ce pas sous le gouvernement de François Hollande que la proposition de déchéance de nationalité pour des individus s’est établie, avec la volonté d’aller jusqu’à réformer la constitution ? Si cette proposition fut abandonnée, elle s’inscrit très largement dans un corpus d’idées et de thématiques porté par l’extrême droite, et plus singulièrement par le Front National jadis.

Prenons un autre exemple sous le gouvernement Hollande, à savoir la mise en place du CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) qui, sous couvert de libérer les entreprises pour créer de l’emploi, s’est avéré n’être qu’un dispositif favorisant les dividendes et autres cadeaux fiscaux pour les entreprises. Le Parti Socialiste d’alors ne cachait plus son intention de mettre en œuvre des politiques économiques et sociales en faveur des classes sociales les plus aisées. Peut-être que le Parti Socialiste s’engageait non pas « socialement » comme le suppose son nom, mais s’est engagé à contribuer à l’écart social grandissant entre les classes populaires et les classes aisées. Il aurait, semble-t-il, fallu comprendre l’appellation « socialiste » dans une volonté de construire une voie sociale toute tracée et exempts d’embûches pour les classes les plus aisées. Ainsi, ces politiques en faveur des plus aisées sont aussi à mettre en parallèle avec ce qu’est foncièrement le Rassemblement National, à savoir un parti bourgeois. En effet, ce dernier a toujours défendu et accompagné des politiques économiques de libéralisation des entreprises, a toujours dénoncé le coût du travail pour ainsi faire peser la balance en faveur du capital, au détriment des travailleurs et des plus précaires en général. De surcroît, le FN est un parti qui a su bâtir tout un système financier, plus ou moins opaque, profitable à ses cadres. En plus de vociférer depuis des décennies contre les immigrés, les étrangers, les femmes et les homosexuels, le RN est surtout et avant tout un parti bourgeois en ce sens qu’il est parfaitement aligné sur les politiques menées par les bourgeoisies occidentales. Lesquelles bourgeoisies, qui historiquement se sont alliées sans ambages avec des partis fascistes pour préserver leurs intérêts, prouvent et démontrent que le RN n’est qu’un allié objectif des puissances bourgeoises et, qu’à cet égard, il n’est nullement le défenseur des classes populaires, travailleuses et rurales comme il aime à le rappeler.

Ainsi, nous pouvons donc affirmer que le PS et le RN participent d’un même objectif de préservation des intérêts bourgeois et conservateurs, et que l’appel à des mesures parfois ouvertement racistes et discriminatoires ne font évidemment pas froid aux yeux du parti de l’extrême, mais séduisent également le Parti Socialiste qui a parfois flirté avec des thématiques d’extrême droite, jusqu’à les porter politiquement. Enfin, la dernière séquence politique concernant le budget de l’état vient définitivement démontrer le caractère collusif qui existe entre ces deux partis quand il s’agit de préserver les intérêts économiques des classes dominantes.

Cela doit nous permettre de réaffirmer haut et fort qu’au sein de la classe politique, il existe un bloc que l’on peut appeler bourgeois et conservateur qui va du centre gauche, représenté par le PS, jusqu’à l’extrême droite représentée par le RN. Le cœur de ce bloc bourgeois est ce qu’a appelé Pierre Serna : l’extrême centre. Effectivement, l’extrême centre dont se réclame Macron et son parti se veut modéré et nuancé quant aux extrêmes que sont la droite et la gauche. En se positionnant ainsi, Macron dans son élan a voulu jouer la carte de la mesure, du principe de réalité et même d’une certaine forme de lucidité face aux extrêmes pétris d’idéologie. Macron serait celui qui capte le réel, les autres seraient des idéologues. C’est là un tour de forces considérable car le centre n’est autre que l’application paroxystique et jusqu'au-boutiste des rapports de forces en présence, en faveur des plus fortunés, des possédants, des dominants. Le centre est en réalité un parti de l’extrême centre car il applique férocement des politiques du statut quo qui favorisent toujours les mêmes. Le centre n’est pas le lieu de la nuance, ni de la modération, il est le lieu de « l’extrêmisation » du statut quo avec les conséquences que l’on sait sur le plan social, écologique et humain. Se réclamer ainsi de la mesure et de la nuance ne manque pas de culot, quand on connaît précisément les conséquences graves que produisent ces politiques antisociales et destructrices du vivant.

En outre, le Parti Socialiste est un parti de centre gauche qui prouve encore aujourd’hui son allégeance à des politiques antisociales, le parti Renaissance de Macron navigue entre le centre et le centre droit, il ne s’agit là que d’extrémistes du centre. Les LR, eux, sont de droite, ont toujours assumé une droite d’affaires et de connivence avec le pouvoir économique, ils glissent aujourd’hui vers une droite autoritaire qui n’hésite plus à porter des projets portant l’exclusion sociale et le racisme en eux. Retailleau incarne très bien cette droite autoritaire et libérale. Et enfin, l’extrême droite représentée par le RN qui, elle, gagne du terrain et pèse sur les partis que composent le bloc bourgeois afin de mener, en plus des politiques d’austérité et antisociales, des politiques racistes et xénophobes qui glissent dangereusement vers le fascisme. Nous avons là un beau bloc bourgeois et conservateur qui se conserve bien, que l’on peut qualifier aujourd’hui de raciste et de xénophobe à tendance fasciste.

Concluons avec un dernier mot concernant ce bloc bourgeois et conservateur qu’il faut dénoncer à bien des égards, mais qu’il convient aussi de situer dans le champ de la pensée ou plutôt dans l’absence de pensée. Plus précisément, ce bloc est appelé conservateur car les éléments qui le composent ne pensent pas. L’occasion ici de dire que la pensée est un objet amovible qui questionne l’état des choses, qui cherche à interroger les situations que vivent les individus, à étudier les dynamiques sociales et politiques afin de comprendre le monde dans sa globalité. Le bloc dont on parle ne cherche à étudier ces dynamiques, il cherche à pérenniser un pouvoir économique qui n’a rien de naturel, mais qui s’est bâti depuis plusieurs siècles, depuis la naissance du capitalisme et des sociétés bourgeoises. Dès lors, pour quiconque souhaite penser dans le sens d'interroger les structures sociales, ne peut se réclamer d'un parti bourgeois quel qu'il soit. Eric Zemmour qui se présente tantôt comme un écrivain tantôt comme un penseur, pour ne citer que lui, ne pense pas, il occupe l'espace médiatique pour saturer celui-ci de ses idées absolument compatibles avec l'ordre économique bourgeois. Sa pensée ne relève d'aucune vitalité et ne permet pas l'interrogation de l'état des choses.

Ainsi, ces partis qui composent le bloc bourgeois et conservateur sont des partis figés d’application des politiques économiques et sociales actuelles, avec des nuances de façade servant à alimenter un semblant de débats dans une démocratie qu’on peine à vivre dans sa chair. Ils sont des fondés de pouvoir du capital et de la bourgeoisie, motivés par le maintien des positions sociales et de la préservation des intérêts et des privilèges des classes dominantes. La séquence politique actuelle aura eu le mérite, s’il le fallait, d’établir avec une grande clarté de quoi relève ce bloc bourgeois et conservateur qui va du centre gauche jusqu’à l’extrême droite, avec au cœur l’extrême centre qui cristallise les enjeux contemporains, au-delà des divergences d’apparence.

Saïd Oner, 

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