Compte-rendu de ma première réunion annuelle des Amis de Hergé 2025 à Nivelles :

En ce Samedi 1er Mars 2025, j’ai eu la chance d’assister à cette fameuse assemblée des Amis de Hergé qui a lieu chaque année au début du mois de Mars. Cette réunion se veut festive et a pour vocation de réunir les Tintinophiles du monde entier. L’idée est de permettre la réunion mais aussi la rencontre entre passionnés autour de 3 axes principaux que sont la bourse Tintinophile, les conférences d’auteurs et écrivains et enfin le repas du soir pour sceller les amitiés et pour profiter d’un moment de plaisir et de partage.

La journée se vit intensément, ne serait-ce que parce que la passion débordante de chaque individu se voit décupler dans un contexte d’orgie visuelle et matérielle. Une effusion de joie se mêle à l’excitation de trouver la pièce rare à ajouter à sa collection. En effet derrière chaque Tintinophile se trouve très souvent un collectionneur aguerri, animé par le désir de compléter une collection qui ne cesse de grandir. Un collectionneur est quelqu’un qui cherche à collecter, à posséder. Et donc par définition, la collection est l’art de la possession. La question de l’utilité efficiente de chaque objet n’a pas à se poser dans la mesure où le collectionneur cherche à posséder, l’usage ou l’utilité de l’objet ne rentrant pas dans l’équation du schéma psychologique du collectionneur.

Entre deux emplettes, j’ai pu faire la connaissance de plusieurs personnes venant d’horizons divers. Cela fut très intéressant de rencontrer des personnes qui ont un rapport toujours très particulier aux Aventures de Tintin et toutes ont des anecdotes liées à l’enfance qui sont souvent très émouvantes. Les adultes que nous sommes aujourd’hui ont le souci de la transmission, mais il est important de souligner la volonté de ces adultes et parents de ne pas obliger la transmission mais de la suggérer. En effet, chaque enfant a le droit de vivre son enfance. Les parents sont légitimes pour évoquer et partager les trésors de leurs enfances mais il me paraît sain et juste de laisser à nos enfants le loisir d’aller vers là où ils le veulent. Cette transmission non forcée, bienveillante et tolérante à l’égard de la diversité artistique, favorise à mon avis, un équilibre mental quant aux possibilités de s’instruire, de se divertir, de découvrir. La leçon que nous laisse Tintin est qu’il n’a pas lu qu’un seul livre, ni rencontré qu’une seule personne. Il s’est documenté autour de bien des sujets et a rencontré la diversité humaine dans toute sa complexité. Il a su faire son propre chemin, peut-être même en devançant toujours un peu son père spirituel, Hergé.

La matinée s’achevant, l’heure est à la prise de recul par rapport aux évènements matinaux. L’occasion pour moi de saisir véritablement la grandeur d’une telle réunion. Ainsi, il convient de saluer et de féliciter le travail d’accueil, d’accompagnement et d’organisation des responsables et bénévoles de cette réunion annuelle. D’abord, les féliciter pour la convocation des différents invités prestigieux de cette journée, à commencer peut-être par les doubleurs qui ont eu l’opportunité de prêter leurs voix dans les dessins animés des Aventures de Tintin dans les années 90. Ce duo est incarné par Thierry Wermuth et Christian Pélissier, respectivement voix de Tintin et de Haddock. Ces voix, qui résonnent encore dans la tête des gamins qui ont grandi dans les années 90, sont les bienvenues et se montrent particulièrement audibles dans un monde « Tintinesque » qui a sûrement besoin de se revitaliser et de raviver des souvenirs plus récents dans l’esprit des Tintinophiles les plus jeunes. Cette volonté étant affichée par l’association, il était judicieux d’inviter ce duo de compères afin de titiller une certaine fibre nostalgique chez les trentenaires et quarantenaires, tout en gardant en perspective l’idée de ne pas uniquement se satisfaire de la nostalgie et des souvenirs, mais aussi en espérant pouvoir inscrire l’héritage de Tintin dans un horizon qui regarde devant lui. En cela, le film de Spielberg est un matériau relativement récent sur lequel nous pouvons bâtir des espoirs de sauvegarde de l’héritage. Le format vidéo étant aujourd’hui dominant, il faudra certainement en passer par des propositions visuelles, créatives et interactives.

Saluons également ces organisateurs qui ont su se mettre au diapason de l’évènement, et qui se sont d’abord souciés des autres avant de penser à eux. Si quelques difficultés ont pu émerger, il s’agit ici d’en discuter collectivement afin de trouver des voies d’amélioration pour les années futures. En attendant, j’ai vu des personnes qui avaient le souci de bien faire dans l’optique de permettre à chacune et à chacun de vivre un évènement exceptionnel. Il faut encourager cette volonté de chercher à innover, toujours dans une quête d’évolution et de mouvements. C’est là encore une leçon que Hergé nous a léguée, à savoir que seul le mouvement est facteur de perspectives nouvelles.

Enfin, si devait exister un dernier mot pour ces organisateurs, il s’agirait de les encourager chaleureusement à poursuivre dans cette voie. C’est grâce à eux que j’ai pu rencontrer certaines figures qui étudient l’œuvre de Hergé depuis des décennies, et cela n’est pas négligeable. Là encore, la rencontre avec des passionnés mais aussi avec des exégètes est d’une richesse dont je mesure l’opportunité rare et précieuse.

En début d’après-midi se sont déroulées les conférences de plusieurs auteurs et personnalités. Me concernant, cela fut un moment de grand plaisir à écouter autrui sur différents sujets. Il est parfois important de savoir se mettre en retrait et d’écouter l’autre, de prendre ce qui nous intéresse et de laisser ce qui l’est moins à nos yeux. Mais l’écoute est une capacité dont on n’imagine pas toujours la puissance, pourvu que dans l’écoute de l’autre, ce même autre est à son tour capable d’écoute. Peut-être pouvons-nous imaginer un temps de conférences dans lequel peut exister davantage de participations et d’interactions avec le public. J’ai cru entendre que ces conférences jugées parfois un peu « scolaires » gagneraient à évoluer vers des modalités relationnelles davantage centrées sur de l’échange, de l’interaction voire de l’animation. En cela, la très bonne idée des organisateurs d’avoir pu inviter les scouts de l’institut Saint Boniface dans l’optique d’encadrer des enfants, pourrait être déclinée dans un champ qui peut être celui de l’animation de ces conférences. L’on peut y voir la possibilité de marier deux modalités, à savoir une disposition classique de prise de paroles des auteurs à destination du public, mais aussi une disposition plus portée sur de l’animation avec de l’interaction. C’est une idée qui n’a pas vocation à faire l’unanimité.

A titre plus personnel, et toujours durant ces conférences, je tiens à remercier tout particulièrement Dominique Maricq qui est intervenu pour évoquer son livre écrit avec Yifei Tchang au sujet du père de cette dernière, Tchang Tchong-jen. En effet, Dominique a rappelé toute la richesse de la vie de cet artiste qui a parcouru une bonne partie du monde, toujours animé par sa grande curiosité artistique. Dans sa présentation, il a partagé de nombreux documents parfois très peu connu, et il a notamment présenté une photo que j’avais pu réaliser en Juillet 2024 en face de l’appartement 24 rue Knapen à Bruxelles, là où Hergé et Tchang avaient scellé leur amitié à travers une photo devant ce même appartement, photo devenue iconique. Ainsi, c’est une nouvelle occasion pour moi de rappeler l’importance de la rencontre, ou plus précisément de la puissance de la rencontre. Cette rencontre entre Hergé et Tchang a sûrement été émancipatrice pour le premier, qui gardera cette amitié toujours en filigrane de son œuvre, avec le chef d’œuvre que l’on connait qui s’aventure dans les hauteurs du Népal.

La soirée se dessinant, quelques séances de dédicaces se tenaient avant l’heure du repas. Notons que les voix dont nous parlions plus haut furent très demandées, prouvant le souvenir très fort qu’a laissé le dessin animé des années 90. L’image animée a le mérite de capter l’attention du gamin, mais ces voix claires, limpides et si reconnaissables résonnent dans nos crânes et participent de la force de ce dessin animé. Les autres auteurs étaient également disponibles, j’ai effectivement échangé un mot très rapide avec Benoit Peeters avec lequel j’aurais aimé discuter un peu plus. Pourquoi lui en particulier ? Pour son analyse de l’œuvre de Hergé en général et parce que sa théorie selon laquelle Tintin a toujours été en avance de Hergé, obligeant se dernier à ne pas succomber aux faiblesses et aux raccourcis, m’intéresse grandement.

Une fois à table, d’emblée je tiens à remercier les nombreux serveurs qui se sont démenés durant toute la soirée, avec le souci de bien faire. Si nous sommes dans des dispositions favorables et confortables, il est important de ne jamais oublier celles et ceux qui permettent le bon déroulé des évènements. A ce titre, une cagnotte a été proposée aux serveurs, cette initiative est à saluer. Durant le repas, j’ai eu l’immense honneur d’être auprès de nombreux collègues Tintinophiles que j’apprécie grandement, mais également aux côtés des voix de Tintin et de Haddock. Je dois dire que j’ai pris un énorme plaisir à échanger avec Christian Pélissier (voix de Haddock), homme simple et charmant qui a pris du temps avec moi et avec qui nous avons partagé quelques sujets très divers. J’ai beaucoup aimé la chaleur de cette personne, sa simplicité et son humanité qui rappelle tellement le capitaine Haddock, que l’on devine tous comme étant un bon bougre. Christian Pélissier est de ceux-là, à n’en pas douter.

Le repas fut précédé par l’hymne Syldave ainsi que par la prestation de la Castafiore qui, on peut le confirmer, ne chante pas faux mais chante fort. Ces deux moments peuvent être perçus comme un clin d’œil au bouquin de Renaud Nattiez « Hergé, musicien ? ». Le repas en lui-même fut très copieux, garni et donc propice à tous les imaginaires culinaires. Est-ce que le Général Alcazar a fait la vaisselle ? Nous n’en sommes pas certains. Toujours est-il que la soirée s’est étalée sur plusieurs heures avec un peu de fatigue chez les uns et les autres, traduisant une journée bien remplie. Ainsi, cela concluait une journée riche en émotions qui marque ce 40ème anniversaire de la naissance de l’association « les Amis de Hergé ».

Terminons en ayant une pensée très forte pour mes deux compères avec qui j’ai pu faire le voyage pour me rendre à Nivelles. Ce trajet a été l’occasion de s’adonner aux imaginations les plus fantaisistes quant aux traits de personnalité de certains personnages, jusqu’à parfois évoquer leurs déviances éventuelles. Rappelons que Hergé lui-même s’imaginait ses personnages dans des situations de vies diverses. Aussi, quelques idées concernant les pays imaginaires dans les Aventures de Tintin se sont exprimées, avec pourquoi pas la possibilité d’explorer plus en profondeur un pays imaginaire en particulier afin d’alimenter sa survivance, à l’instar de ce que l’on fait pour la Syldavie. A suivre. En attendant, le voyage de retour a pu se faire sous le puissant astre du jour, comme pour ponctuer un weekend sous le signe de la chaleur humaine et de la clairvoyance des idées créatives qui déchaînent le feu du ciel.

Merci à toutes et à tous pour cette première que je retranscris en quelques mots le jour du 42ème anniversaire de la mort de Hergé. Le symbole est fort et c’est le moment ou jamais de citer le proverbe : Tout est bien qui finit bien !

Saïd Oner,

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