La dimension patriarcale et sexiste du projet de loi immigration :

Foncièrement raciste et xénophobe, empruntant à l’extrême droite son bagage idéologique jusqu’à en épouser le paradigme, ce projet de loi permettra d’expulser plus rapidement, de conditionner arbitrairement l’accès à certains droits sociaux aux personnes immigrées ou étrangères, d’instaurer des quotas migratoires, de faciliter l’éloignement des étrangers ou encore de durcir les conditions d’accès au séjour des étrangers malades…

Outre ces dispositions, ce projet de loi immigration est aussi pensé selon des représentations sexistes. Existe l’idée qu’en repoussant l’étranger, le législateur protège les femmes de potentiels prédateurs. Il y a un consensus politique pour assimiler la figure de l’étranger ou de l’immigré à la rhétorique raciste du « sauvage », d’où la normalisation de l’expression d’ « ensauvagement » de la société, promulguée par l’extrême droite, reprise et banalisée par l’extrême centre.

Cette figure de l’immigré ou de l’étranger participe d’un imaginaire consistant à penser la société selon deux camps, celui des civilisés et celui des barbares ou des sauvages. Les premiers étant évidemment les occidentaux qui portent la lumière avec eux et les seconds étant les immigrés, et plus particulièrement ceux dont la confession ou la culture est supposément musulmane. Dans cette configuration construite idéologiquement et socialement, la figure de l’immigré devient donc l’objet de toutes les attentions et de toutes les manœuvres politiques et politiciennes pour lutter contre « l’ensauvagement » de la société.

Ainsi, la dimension sexiste de ce projet de loi se traduit par la croyance qu’il faut protéger les femmes françaises de ces sauvages. Le législateur saura fermer les yeux sur les discriminations sexistes et sexuelles structurelles que subissent les femmes en général, à la fois sur le plan de l’accès à certains métiers, sur les inégalités salariales, sur les violences sexistes et sexuelles caractérisées par le grand nombre de féminicides relaté en France depuis de nombreuses années…Il saura cependant prendre sa revanche en s’essuyant les pieds sur l’immigré qui représente à lui seul la figure de l’oppresseur, du tueur de masse, du violeur de femmes et qu’il convient donc de contrôler. L’immigré devient donc la caution politique du législateur qui en fait une lutte entre nous les civilisés et eux les barbares, notamment sur la question du rapport aux femmes.

Il existe donc une réalité sexiste que le législateur construit idéologiquement et socialement, qu’il juge acceptable et nécessaire de combattre (celle dans laquelle l’immigré est le responsable). Cette réalité sexiste est rentable et laisse à croire que le législateur, en désignant un bouc émissaire, protège sa population. Il a tout à y gagner sur le plan politique et électoral.

Et il existe une autre réalité sexiste, structurelle et systémique, peu rentable et inintéressante pour le législateur mais ô combien factuelle, concrète et destructrice pour les femmes en général.

La dimension sexiste de ce projet de loi se retrouve également dans l’idée que nos femmes nous appartiennent. Les hommes (au sens du groupe social dominant) qui portent ce projet sont animés par diverses motivations politiques mais aussi par l’idée que les femmes françaises « appartiennent » à la société française, et donc « n’appartiennent » pas à l’altérité, à l’étranger. Disons le plus clairement, la présence de l’immigré ou de l’étranger est perçue comme une menace pour les hommes ayant la bonne couleur de peau. Il y a donc cette crainte insupportable de voir des femmes françaises échapper au destin que les hommes ont dessiné pour elles. En effet, c’est aussi la peur qui motive ce projet de loi immigration, la peur de ne plus pouvoir avoir la primauté sur le marché matrimonial, la peur de voir des femmes françaises rencontrer l’altérité, celle incarnée par des hommes venant du « sud » qui représentent une menace sérieuse sur le marché relationnel, et qui représentent une potentielle perte de pouvoir des hommes blancs sur les femmes françaises.

Rien de plus insupportable pour un homme blanc de voir sa sœur, sa fille, sa collègue ou même sa voisine s’acoquiner avec un homme noir ou arabe.

Rien de plus insupportable pour un homme de pouvoir, de constater que son pouvoir s’effrite. C’est précisément là qu’il devient violent.

Ce projet de loi coche ainsi toutes les cases, il est raciste, il est sexiste et il est conservateur. Raciste, car il fait de l’immigré la figure de celui qui représente tous les dangers. Sexiste, car il entend faire perdurer l’idée sexiste que les femmes doivent être protégées et qu’elles nous appartiennent. Conservateur, car il refuse l’altérité et dessine un avenir où l’entre-soi devient la norme.

Saïd Oner, 

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